Comme chaque année après les fêtes il est temps de se trouver encore un petit truc à se mettre sous la dent, histoire d’éliminer les abus totalement volontaires et assumés de la fin d’année… une bonne raison de se focaliser sur quelque chose, où juste l’idée d’y penser nous fait déjà brûler quelques calories en plus avec cette palpitation cardiaque de l’envie…
Avec mon appétit dévorant mais surtout un petit nouveau dans la famille, il faut savoir être raisonnable. Ce n’est pas vraiment de mon côté qu’il faut chercher la voix de la sagesse à la maison… mais une fois les synapses connectés, la voix arrive néanmoins à faire son petit bonhomme de chemin et finalement à atteindre mon cerveau.
L’envie de nouveau d’aller faire le fou attendra une année supplémentaire et créera une motivation décuplée en 2020. Et puis soyons honnête, dans le coin on a quand même le choix de belles courses en montagnes et il suffit juste pour cela de sortir le nez par la fenêtre. Cela tombe bien car depuis notre nouveau chez nous, je vois pointer quelques sommets à travers la fenêtre de la chambre. Les plus hauts du coin, les plus sauvages et surement parmi les plus beaux. Bon c’est vrai que tu regardes une fois, deux fois, trois fois, tu tournes les yeux en l’air afin de savoir ce que ton cerveau penses ! Allez pourquoi pas l’Échappée Belle… l’Ultra traversée de Belledonne… Belledonne aux pentes raides aux sentiers qui parfois n’en sont pas, aux pierres, aux lacs et à ses paysages sauvages.
Banco cette année ça sera l’Échappée Belle intégrale !!!
Après se pose la question en solo ou en duo car le format duo du début à l’arrivée est quelque chose de vraiment sympa… Je demande à l’ami Sam s’il veut en être et comme il n’est pas toujours facile de prévoir longtemps à l’avance ça sera en Solo. Mais même en solo on a le droit à un « PACER » c’est top ! Bon alors Pacer au début tu te dis qu’on va te coller un patch pour te suivre car c’est un massif sauvage etc… mais non c’est 100 fois mieux, tu as le droit de te faire accompagner à partir de la 1ère base de vie par un pote qui partage finalement les 2/3 de la traversée avec toi… ça sera Sam le pacer Deluxe.
Sur le papier l’Échappée Belle c’est 149km et 11400 D+, un départ de Vizille et une arrivée à Aiguebelle en Savoie. L’idée de la traversée d’un point A à un point B me plait et je trouve, d’une manière totalement subjective, que cela colle à un format d’aventure. La diagonale et le trail de l’Étendard que j’ai déjà courus, sont sous ce format et j’aime ce concept. Bon par contre par rapport à l’UT4M c’est le même dénivelé mais avec 20 km de moins… ça va piquer !
Au vu du terrain et de mes 3 années de trail derrière moi, je vais essayer d’élaborer un peu ma prépa et mon matos, pour toujours continuer à peaufiner mon expérience… « it’s time to play » comme disent certains … moi je dirais it’s time to « fucking » play avec au programme jonglage de cailloux, glisse sur rocher abrasif, des acrobaties et numéro d’équilibriste le tout avec des ravitos moins nombreux, un sac plus lourd et un peu moins d’oxygène 😀 … encore un bon panel d’ingrédients pour marquer le corps et l’esprit.
Le 15 janvier ouverture des inscriptions et il ne fallait pas trainer si on ne voulait pas qu’elle nous échappe…c’est qu’elle commence à avoir sa renommée malgré sa notoriété de course la plus dure… effrayante autant qu’attirante, une aventure toute en contraste et en relief !!!
8 mois pour se préparer et essayer d’arriver dans les meilleurs conditions possibles pour cet ultra qui ne laissera pas de place à la chance. Du coup il va falloir se forger les mollets et les cuissots pour absorber ce massif. La préparation sera axée principalement sur des ratios deniv/km importants… en 2019 pas une seule session de piste ou de VMA à proprement parlé… Belledonne est le royaume de la lenteur donc soignons la hauteur.
La préparation s’est bien déroulée dans l’ensemble malgré une foulure à la cheville droite en janvier et à la gauche en juin 😀 … au moins ça équilibre. Changement de chaussures et passage sur des Mafates Speed 2 qu’il a fallu apprivoiser mais qui m’ont procuré un réel gain de confort.
Le fait d’être au Pont de Claix m’a permis pendant l’année de me faire des vélo taf / retour Taf ou des footing à Jeun pour aller bosser dans le centre de Grenoble. l’année avançant et l’échéance approchant, je déviais de plus en plus pour passer par le Rocher de Comboire, puis Châtelard – les 3 pucelles, voir le Moucherotte ! … bon ok, gros détour mais travail de frontale et 25km avec 1800 de D+ avant d’aller bosser :-D. J’ai également optimisé mes pauses déjeuner en déplacement en emportant les baskets plutôt que de me faire de grosse pause déj. Et enfin, et pas des moindre, pour la gestion du sommeil j’ai pu pendant les 9 derniers mois bénéficié de l’aide de Milhan pour la gestion du sommeil avec des nuits entrecoupées de 2 à 5 réveils… 😀
Vendredi 23 août – 6h00 – Vizille
« L’inconnue des sensations du départ »
Rentrons maintenant dans le vif du sujet.
Le départ se fait dans le parc du château de Vizille et un cadre superbe pour lancée cette Échappée Belle. Nous arrivons une petite heure avant le départ avec l’assistance de choc et on sent cette atmosphère d’avant course avec des regards un peu hagars, des yeux dans le vague et des sourires crispés. L’inconnue des sensations et les doutes de cette aventure se lit sur les visages.
Je me positionne sur le devant sous l’arche de départ et comme l’an dernier ça ne se bouscule pas pour les premières places. En m’avançant je croise et papote avec Florentin qui s’attaque au format XXL de l’épreuve après avoir déjà gagné les 85km il y a quelques années.
2 mn avant le départ je vois une silhouette longiligne s’avancer sur la ligne de départ. François (D’Haene) se positionne pile à côté de nous et à ce moment précis une effervescence de téléphone et appareils photos avec les flashs se déclenchent. Si certains étaient encore dans le « coltard » et bien là c’est bon on est bien réveillé. On se rend compte l’histoire de quelques instants ce que cela fait d’être connu au sein de la discipline et on ne peut s’empêcher de sourire 😀
A ce même moment je me dis qu’avec mon 1m94 et mes 78 – 80kg et bien François est quand même sacrément affuté. Il doit bien faire 4-5 kg de moins que moi et que ça doit aider pour monter ses fesses plus vite en haut des montagnes. Je m’imagine en l’espace d’une seconde partir sans mon sac de 4kg sur cette aventure… c’est sûr que ça ne ferait pas tout mais juste se sentir léger comme un élite !
« Gestion gestion gestion » scande le directeur de course, les bras en l’air, le décompte et nous voilà partis pour l’Échappée Belle 2019.
Les 2 premiers km se font entre 13 et 14 km/h à travers le parc avant d’attaquer les premiers 1500 m D+ passant par Mon sec et le col de la Madeleine. Je rétrograde un peu afin de prendre mon rythme et on en profite avec un groupe de coureurs pour papoter et faire nos pronostics et échanger sur nos dernières aventures.
Le Foyer de Ski de fond de l’Arselle / 16,7km / 1540 D+ / 2h21 / 39ème
« Encore le sourire au coin des lèvres »
La première montée s’est bien passée (heureusement d’ailleurs) et en arrivant à l’Arselle déjà pas mal de monde pour nous accueillir. Sur les ravitos, notamment au début, l’idée est de ne pas perdre trop de temps. Mais attention à ne pas les négliger non plus car ils sont espacés et il ne faut surtout pas se déshydrater ou mal se ravitailler sous peine de se mettre un gros handicap très rapidement.
En 4mn je recharge mes gourdes de 800 ml je mange un peu et hop direction une section que je connais par cœur jusqu’au refuge de la Pra. On commence petit à petit à rentrer dans des sections techniques et il faut bien rester concentrés pour la pose des pieds. Col de l’Infernet, col de la Botte et arrivée sur les lacs Roberts et déjà des superbes paysages avec un temps magnifique.
Je constate assez rapidement que mes gourdes perdent beaucoup d’eau et mouillent pas mal mon tee-shirt…le « press to drink » et bien il n’y a pas besoin de presser…la pression exercée par mon sac flambant neuf (car le SAV Raidlight vient de me le changer suite à une fermeture éclair défaillante) appui plus fort que celui que j’avais déjà rodé depuis quelques mois. A ce moment précis je me remémore les conseils de M. Antoine Guillon expliquant qu’il ne faut jamais partir avec du matos neuf sans jamais l’avoir testé avant…. Et bien voilà ma première petite erreur et je me rends compte que j’ai déjà perdu plus de 500 ml de flotte sans rien boire … arghhh !!!! J’essaye d’analyser la situation en me disant « je vais envoyer un sms à l’assistance pour qu’il me rapport mes flasks souples » … « Ah mais mince je ne vais pas les voir avant le Pleynet soit dans 8, 9h » « et puis si je prends les flasks, elles ne font que 600ml et outre le fait d’être en dehors de matos obligatoire je ne vais pas avoir assez de réserve pour la suite aux vues des conditions météos ». En conclusion, l’idée sera d’enlever le tube du bouchon pour éviter la fuite et de m’en servir de paille pour boire !! et cela veut dire aussi, de sortir les gourdes à chaque fois à travers les bâtons que j’accroche devant !!! yeah yeah yeah, ça va être bon ça pendant plus de 130 bornes hein ? Mais je vous rassure il y a un côté positif : je vais savoir exactement ce que je bois et ce qu’il me reste, soit une analyse au millilitre près de mon hydratation. Allez, je garde cette approche positive pour ne pas perturber plus que cela mon influx nerveux.
Au moins cela m’aura un peu occupé l’esprit et la prairie verdoyante avant le refuge de la Pra arrive déjà !
Refuge de la Pra / 27,3 km / 2390 D+ / 4h18 / 36ème
« Au tempo et maitrise des éléments »
Arrêt de 6 mn pour bien boire et goûter la soupe préparée par des bénévoles au top ! On va s’élancer à l’assaut du plus haut sommet de la traversée, la Croix de Belledonne. Les sensations sont bonnes et je décide de lâcher un peu les chevaux. La section est magnifique en longeant les lacs du Doménon.
Un petit passage technique où il faut mettre les mains lors du contournement de la cascade et l’on de bifurque vers la croix. On rentre dans le Belledonne minéral et ses rochers acérés. Encore un peu de neige avant d’atteindre la dernière partie. On croise déjà les premiers qui redescendent.
Croix de Belledonne / 32,1 km / 3190 D+ / 5h36 / 33ème
« Descente panoramique et portion magique »
Le temps est au beau fixe et dégagé ce qui permet d’avoir une vue 360° de toute beauté. Je m’étire pour toucher cette croix et je ne traine pas trop car il fait frais et j’ai déjà de toute manière quelque belles photos du coin prises lors de ma 2ème reco.
Alors oui c’est vrai je n’en ai pas parlé avant mais je me suis calé, dans ma phase de montée en puissance et en volume en juillet, quelques belles recos et je peux vous dire que c’est vraiment un avantage sur ce type de parcours. Je pense d’ailleurs que certains coureurs doivent arriver avec des témoignages « tu verras c’est très dur ! » « c’est particulier Belledonne, tu ne progresses pas vite » etc… la plupart doivent se dire « oui je vois j’ai déjà fait des trucs difficiles »…oui peut être mais pour avoir une vision juste une ou deux sorties de quelques heures dans les sections en rouge noir ou violet du road book recadrent bien les choses voir évitent la panique le jour J (ou la nuit).
Du coup la Croix de Belledonne… « done » et j’attaque la section toujours prudemment vers le col de Freydane. Un coureur Nicolas, avec qui je discutais au début, me double à vive allure dans la descente et me lance « et il faut vraiment que tu progresses en descentes toi ». Un peu vexé sur le coup je réplique avec un peu de retard un mauvais truc du genre que j’y vais cool pour pas trop casser de fibre ou un truc dans le genre… En règle générale j’ai pas la réputation d’être un mauvais descendeur mais c’est vrai qu’il est à l’aise dans les cailloux lui.
Bref pas de panique, chacun sa course et avant Freydane je reviens sur le premier Duo de la team Waa avec Luca Papi et son compare. Ah tiens comme l’an dernier on va se faire un bout de chemin encore ensemble. Je me cale derrière lui et on papote un peu comme l’an dernier, enfin surtout lui car il a la tchatche le Luca 😀
Une vue superbe s’offre à nous le long de la descente avec le Lac Blanc et sa couleur turquoise… magique ! Les paysages sont vraiment magnifiques sur cette partie et comme je suis frais j’apprécie à fond ces moments. On pourrait se croire dans une épopée avec Frodon, Sam et Gandalf à la recherche de la Cloche sacrée !
Refuge Jean Collet / 38,4 km / 3275 D+ / 6h47 / 34ème
« Le début des choses sérieuses »
Ce refuge est vraiment top avec un panorama extraordinaire sur la vallée du Grésivaudan et la chaine de la Chartreuse. Le transat superbement orienté invite à se glisser dedans mais malheureusement ce n’est pas le jour pour. Je me fais un bon ravito car on commence à sentir la chaleur et cela fait quelques temps qu’on reste au-dessus des 2000 et ce n’est pas fini. Je salut Emilie la copine de Luca (mais le Luca de la Team NTM) qui me sert une bonne soupe histoire de garder de précieux sels minéraux. 8mn de pause avant d’attaquer une portion très technique avec le col de la mine de fer, sous la brèche et roche fendue. Rien qu’avec les noms on devrait savoir automatiquement qu’on va en chier sur cette portion. Et ça sera mon cas, je ne sais pas si c’est psychologique ou pas mais généralement au bout de 7h d’effort et de ces 40 45 km j’ai souvent un coup de moins bien. En plus depuis la Pra, j’avais un peu moins écouté mon corps car j’étais à l’aise. L’heure est venue à la concentration sur l’effort pour canaliser l’énergie correctement. Je lève un peu le pied tout en m’imposant un petit rythme car je sais que la route est encore longue. Après la Roche fendue on traverse ces fameuses zones violettes ou il n’y a effectivement pas de sentier et on saute plutôt de rocher en rocher en essayant de ne pas se faire une cheville. Je reste collé aux baskets de Luca et on recommence à voir un peu de végétation et même à chiper des myrtilles quand cela est possible !
Une petite descente nous amène au Habert d’Aigubelle lieu du prochain ravito.
Habert d’Aigubelle / 47,2 km / 4020 D+ / 9h00 / 36ème
« Gestion, Gestion, Gestion »
Voilà là on est dans le concret de Belledonne, 7/8 km depuis le dernier ravito 700 de D+ mais plus de 2h pour faire la portion, je vous laisse imaginer la portion :-D. Au Habert d’Aiguebelle il fait chaud et en plus je commence à sentir un peu la fatigue arrivée alors je me pose un peu pour bien me ravitailler. Je tombe sur Fabrice (D’Aletto) qui me raconte avoir fait une mauvaise chute et une côte fissurée. L’aventure s’arrête ici pour lui malheureusement. Belledonne ne permet pas d’écart, un autre costaud, Sébastien Chaigneau a été même héliporté suite à une grosse chute au visage un peu avant.
Je repars sur une portion que je ne connais pas, car à ma dernière reco j’étais repartis dans l’autre sens au Habert pour rejoindre le lac de Crop puis le Col de la Sitre… ça grimpe régulier mais on finit par un raidard où il faudrait pas grand-chose pour basculer en arrière. A ce moment-là je suis revenu sur le Duo Papi / Deyrier. Une brève descente pour finir les derniers dénivelés pour atteindre le col de la Vache. Ce passage est vraiment beau mais chaotique et technique. On se retrouve dans un pierrier et il faut bien regarder encore une fois où poser les pieds. Je suis dans un moment beaucoup moins agréable aux niveaux des sensations et dans la descente je me sens moins à l’aise et je galère un peu. On longe les lacs des 7 laux et on est dans des paysages sublimes.
On attaque ensuite une longue descente caillouteuse et en voulant m’accrocher un peu je loupe un appui et je me retrouve à glisser de tout mon long sur un rocher, tombant sur les genoux pour finir ma cabriole 2 m en contrebas. Ah ben celle-là elle devait être belle à voir, ça faisait quelque temps qu’elle me guettait cette vilaine chute et là voilà. Luca juste derrière moi et le coureur de devant m’aide à m’extirper des ronces. Je commence à regarder un peu les bobos et j’entends la voix de Luca…. « ça va ? non non ne regarde pas cours, si tu peux courir ne t’arrête pas et tu verras plus tard » Machinalement je repars je sens un peu les genoux mais pas plus que ça. Luca me redemande « ça va tu arrives à courir ? » je réponds que oui et il me dit « ben c’est que c’est bon alors ». Et bien oui voilà comment on gère une belle chute on repart direct et si rien de particulier se passe et bien autant ne pas trop s’y attarder. Bon j’ai quand même eu de la chance car j’aurais vraiment pu mettre le cligno sur ce type de valdingue. On enchaine une longue portion pas très dure mais qui nous fait contourner le flanc d’une montagne alors que l’on voit la base de vie du Pleynet vraiment pas loin. Cette portion entre Habert d’Aiguebelle et Pleynet est longue et je commence à être à sec au niveau flotte. Je ne suis pas au meilleur de ma forme mais je reste concentré et j’attends que ce moment passe. Dans peu de temps je vais revoir les parents et surtout Sam qui va pouvoir m’accompagner. Rien que d’y penser je déroule sur les 2 derniers km pour arriver enfin sur la base de vie.
Base de Vie Le Pleynet / 64,1 km / 5220 D+ / 13h06 / 42ème
« Rechargement des batteries pour l’arrivée de la nuit »
La dernière portion n’a pas été évidente et ça se voit au niveau du classement. En arrivant Je vois Sam dans les starting blocs… ça fait plaiz un peu de voir des têtes connues.
Les parents ont préparé une assistance aux petits oignons… les affaires sont sortis du sac et une chaise m’attend. Je me pose et je suis assez lucide pour savoir ce qu’il faut faire. Je défais mes chaussures et enlève mes chaussettes. Cela fait quelques kilomètres que j’ai mal aux gros orteils et que j’ai des fourmillements… Les descentes et les cailloux ont déjà entamé mes bouts de pieds ;-). Je m’alimente bien, salé sucré, je m’hydrate bien… et le nec plus ultra un petit massage de 5mn par le père…. Ça ne peut pas faire de mal après cette portion bien cassante. Le temps passe vite et je me serais arrêté 34 mn à la base de vie. C’est un peu plus long que ce que je pensais mais vu l’espacement des ravitos ce n’est pas du luxe non plus.
Je repars en manche longue car la nuit ne va pas tarder.
Sam part devant sur une portion beaucoup plus cool en sous-bois direction la Ferrière et Fond de France. Par contre on sent bien qu’il est frais comme un gardon car dès qu’il y a des petits talus ou des relances j’ai du mal à la suivre !!!
On papote un peu et maintenant ça va bien être sympa de partager cette aventure à 2. On arrive au début de la montée de la Valloire. Cette montée on l’a déjà fait à 2 un mois auparavant. Sam met le tempo et la nuit commence à tomber. Le rythme est nickel, je suis concentré sur mon effort et sur les chaussures de Sam. De courir ensemble régulièrement ensemble ça aide quand même car je pense qu’on sent plus facilement si l’autre va bien ou pas… en fonction de l’attitude de l’essoufflement. Bon par contre je préviens Sam que je vais être un peu moins bavard dans les montées mais ce n’est pas grave cela ne l’empêche pas de mener et le rythme et la discussion. On a déjà rattrapé un ou 2 concurrents dont certains avec des pacers également.
900 D+ un peu plus loin on sort petit à petit de la forêt et on attend le premier chalet de la grande Valloire… super accueil des bénévoles avec une petit thé ils nous remplissent les gourdes et hop on essaye de ne pas trop trainer. Cette portion est sur un single en flanc de montagne un peu vallonné. On longe ensuite le lac du léat et on plonge sur Gleyzin. On rattrape Florentin qui a un gros coup de moins bien et est en hypo depuis quelques heures. On lui dit de s’accrocher mais il nous encourage et nous laisse filer.
Gleyzin / 80,9 km / 6355 D+ / 17h11 / 36ème
« L’enchainement sauvage »
On arrive au Ravito et les parents ont dû monter en navette. De leur côté la fatigue doit se faire sentir aussi car on les voit assis dans un coin et même avec nos signes pas de réaction de leur part 😀 . Ils finissent par nous voir après 1 ou 2 mn. On s’engouffre sous la tente du ravito car dès qu’on s’arrête on commence à sentir un petit air frais.
Les bénévoles ont préparé une bonne soupe et une compote de fruits…on mange bien et on boit en se posant un peu. La prochaine portion c’est un peu l’enchainement « Roche Ancrée – Maïdo » de la Diag des fous avec la montée du col du Moretan… La montée se fait progressivement mais finis par des portions très raide et bien évidemment sans chemin dans un pierrier 😀 . On arrive au refuge de l’Oule qui nous permet de faire une micro pause et d’avaler un café avant de repartir. Sam mène toujours le rythme et ouvre la voix sur une portion bien plus raide. C’est quand même un sacré avantage et une économie de ne pas chercher sa route et de rester concentrer juste sur sa progression. De plus les fanions très bien placés permettant de se faufiler vers ce col au fin fond de la nuit sans risque. Une petite guirlande de frontale se dessine sur ce col. Seul je pense qu’il y a bien moyen d’être un peu moins tranquille. Je me rappelle l’histoire de Sam qui en 2015 lors de sa traversée était seul entouré des tirs à canon pour éloigner les loups des troupeaux. Cette année on est tranquille car aucun tir n’a retenti. Je m’accroche bien dans cette montée et on commence à voir pointer la fin de ce col. Je monte un peu dans les tours niveau cardio mais je me sens bien. Le col est quand même à 2500m d’altitude et on peut que saluer les bénévoles qui nous encouragent chaudement à 1h40 du mat !!! 2h10 pour monter ce col de 1500 D+ très accidenté de Gleyzin avec 80 bornes dans les pattes alors que lors de mon repérage j’avais mis 1h45-50 en commençant de Gleyzin frais comme un gardon. C’est un peu ça la magie de l’ultra, sur certaines sections tu te surprends à être juste bien !
Col du Moretan / 87km / 7741 D+ / 19h40 / 33ème
« Dans le profond du dur »
C’est parti pour une bonne descente en rappel sur un Névé… En temps normal y’a moyen de bien s’amuser mais là avec la bonne section dans les pattes et en pleine nuit… cette descente me met un peu sous pression… j’essaye de suivre Sam en m’accrochant et en glissant sur la longe mais j’avoue que je ne suis pas super à l’aise 😛 …La corde avec la neige le froid me brûle un peu les mains et je manque de m’en mettre une tous les 10m… au bout de 200m ça ne loupe pas et hop sur les fesses. Je crois que cette section m’a bien fait monter le cœur tellement je ne contrôlais aucun de mes mouvements.
A la fin du Neve on tourne à gauche et on repart sur le même délire le long d’une arrête en direction des lacs. L’air de rien en 1km on perd 400m d’un coup.
Encore un bout de passage chaotique dans des gros rochers avant de longer les superbes lacs supérieur et inférieur du Moretan qui annonce un terrain plus souple dans l’herbe où la pente s’adoucit en direction de Perioule.
Je balance à Sam que la section m’a fait un peu mal et que je ne suis pas bien du tout avec une légère envie de vomir … Montée un peu forte et descente stressante conjuguées m’ont procuré comme un enchainement de shooter de fin de soirée, genre le petit shooter liquoreux que tu n’aimes pas mais que tu bois et au moment du contact avec ta bouche tu sens déjà la grosse erreur !!!
A Perioule je me pose et mange des pommes de terre, je m’hydrate bien et prend de la soupe. Un arrêt de 12mn avec quelques respirations profondes me permettront de repartir en bon état.
On repart sur une descente sympa mais un peu technique avec des rochers et des racines mais Sam mène toujours la danse et on descend relativement bien toujours en discutant. Bon c’est vrai que pour le coup je me rappel pas toujours du sujet de toutes nos discussions. Alors soit je rêvais soit il faudrait que je lui demande 😀
On arrive au pied de la montée de la Pierre au Carré. Alors à partir de maintenant je ne connais plus du tout ce qui m’attend car en reco j’avais bifurqué à gauche pour revenir sur Gleyzin. Cette montée et bien elle est pas fun du tout, c’est raide tout droit et monotone… et pour couronner le tout j’ai mon réveil que j’avais mis à 4h15 à la vielle qui commence à sonner. Le téléphone est dans mon sac au fond dans une poche fermée…. Je dis à Sam que normalement y’a 5 x 3 répétitions et que ça devrait s’arrêter… et ben non jamais le réveil ne veut s’arrêter. On sent bien que cela commence à agacer tout le monde mais que personne ne dit rien et que surtout tu n’as pas envie de couper ton effort dans cette longue montée après 22H d’effort à 4h du mat 😀 … Et bien le réveil est tenace et au bout de 10 mn il aura raison de ma patience et je m’empresse de chercher enfin ce maudit téléphone pour éteindre ce « p…. » de réveil ! Pour la prochaine ne pas oublier d’éteindre son réveil car déjà en temps normal ce n’est pas le moment préféré de la journée.
On finit la montée et on croise quelques randonneurs qui comme souvent nous donne de faux espoirs sur le temps, le dénivelé et la distance pour rejoindre la prochaine base de vie…
« oui c’est dans 30mn environ » « vous arrivez dans 1km et ça descend tout le long » Alors la fatigue doit biaiser un peu mon souvenir mais c’était pas du tout ça !!!
La dernière partie pour arriver à Super Collet est un peu longue, Sam commence un peu à fatiguer (ah ben enfin 😉
Super Collet / 100,7km / 8395 D+ / 23h22 / 31ème
« En mode pilotage automatique »
Nous voici enfin à la 2ème base de vie. L’assistance toujours au top et là avec nos affaires.
On se fait une bonne pause de 30 mn et Sam entame un petit som… Je me mets une couverture et tente de manger une soupe chinoise (mais pas assez chaude l’eau et les pâtes dures… beurk) je me rabats sur du pain des bananes et un peu tout ce qui peut passer.
Un petit massage des jambes et on papote avec les parents. On commence à voir des bonnes têtes fatiguées à droite à gauche 😀
Allez hop on repart sur une piste de ski mais sans neige pour quasi 500mD+ histoire de se réchauffer… Le soleil se lève déjà et je me dis que j’aurais pu ranger ma frontale dans mon sac. Alors juste un petit aparté quand même car quasiment pile poil à ce moment-là François d’Haene franchissait la ligne à Aiguebelle en moins de 24h en faisant péter le record de course.
En haut du Col du Claran la vue est superbe et on voit en face les crêtes des Ferices. Je demande à Sam si on va là-bas de l’autre côté et il me répond que oui mais pas tout en haut. Je réaliserai 2h après qu’il m’avait un peu ménagé car si si on est bien redescendu en bas contournée par le fond du vallon pour remonter les crêtes et en face et bien tout en haut 😀
Vers le refuge des Férices on revient sur des coureurs et notamment le 1er duo Luca et Philipe de la Team Waa. Sam connait bien Luca et papote un peu. Je me souviens plus très bien mais Sam a dû sortir à Luca, « ben finalement tu l’as refait ? » et il a répondu « j’ai oublié que je ne devais plus revenir, mais là maintenant je me rappelle pourquoi » On sent quand même une bonne lassitude chez les autres et je ne sais plus si je pensais tout seul ou si on parlait vraiment mais j’ai des répliques du genre me reviennent « cette course est vraiment dur » « ils sont semés des cailloux et des pierres partout » « faudra vraiment pas que j’oubli de ne plus revenir » « qu’est-ce que c’est que cette course » …
On dépasse la duo et d’autres coureurs pour arriver sur le col d’Arpingon. Bien gratiné celui-là aussi, mais la vue est superbe et les couleurs magnifiques… c’est dur mais c’est beau à ce moment-là.
On a doublé quelques coureurs, je me dis aussi que si on avait fait la course en mode duo du début à la fin avec Sam on aurait pu se bagarrer pour une victoire car finalement le premier on ne les reverra plus jusqu’à Aiguebelle avec plus de 45 mn d’avance. Mais bon avec des si….
On file sur Val pelouse à un bon rythme, le soleil nous réchauffe et c’est le moment de rien lâcher si on veut bien finir la course.
Val Pelouse / 118,1 km / 9909 D+ / 28h16 / 26ème
« On maintien le rythme et on relance »
Et l’air de rien on commence à remonter quelques places. On ne faiblit pas et moralement c’est toujours mieux dans ce sens-là. On essaye à Val Pelouse de ne pas trop s’attarder. On change de vêtement car il commence à faire chaud et on se ravitaille bien avant de repartir.
15 mn d’arrêt et on repart direction le Pontet. Après chaque Ravito on attaque toujours en montée. On sent quand même que le plus dur est dernière nous les paysages sont plus cléments malgré la fatigue. Je prends plus de relais maintenant et en mode gestion dans le col de la perche car la chaleur se fait bien sentir. En plus un coureur depuis Super Collet s’accroche toujours un peu derrière nous et j’avoue que j’essaye un peu de ne pas faiblir pour essayer de le distancer :-D. Je me suis en mode on n’essaye de rien lâcher jusqu’à l’arrivée. Après ce col je relance un peu sur des portions plus roulantes et où l’on peut courir. Les sensations sont bonnes sur cette portion. On va attaquer une longue descente après le col du Champet. Sam remet du rythme devant et j’essaye de le suivre tant bien que mal sans me mettre en difficulté. En plein milieu de la descente à la baraque à Michel un groupe de bénévoles nous encourage avec une table multicolore et remplis de bonbons. Obligé de nous arrêter et de se ruer (pour ma part) sur les bonbons… C’est un peu mon péché mignon à 20 km de l’arrivée. J’avais fait la même chose à l’UT4M au Sappey l’an dernier 😀 Ils nous annoncent également que des coureurs ne sont pas loin, que l’un d’entre eux marche car il est blessé et que un autre veut arrêter. On repart dans la descente à un bon rythme et je vois des énormes cèpes au bord du chemin. L’idée me traverse d’en ramasser mais je sais que le prochain ravito n’est pas tout de suite non plus et je m’imagine courir avec mes 2 cèpes dans les mains pendant 40 mn et ça me décourage… on attendra l’automne pour aller aux champignons ! Cette dernière portion pour rejoindre le Pontet est vraiment longue est inintéressante… on a même l’impression qu’on se décale sur la gauche pour revenir le long d’une longue piste nous emmenant au prochain ravito. Effectivement on double un coureur qui boite et on l’encourage je galère à suivre Sam sur cette longue ligne droite en faux plat montant ou je me force à courir. Je crois que cette portion doit le souler aussi car il a vite envie d’arriver au ravito 😛
Le Pontet / 135,8 km / 10 741 D+ / 31h52 / 26ème
« Le terme de la traversée »
Pour info je pense qu’il y a un souci sur la place car on a commencé à compter un peu depuis Val Pelouse et on estime à la 21ème ou 20ème place à ce moment-là. Bref je dis à Sam et aux parents qui sont là et toujours aux petits soins, qu’on ne va pas s’attarder pour en finir le plus vite possible. 8 mn de pause le temps de manger un peu et de bien s’hydrater car le soleil commence à bien taper et puis nous sommes bien redescendus en altitude.
On repart en direction du Fort Mont Gilbert. Une portion pas très fun non plus mais ça sent la fin et on n’est pas si mal que ça on niveau du tempo. On n’a pas faibli sur cette deuxième partie de course… la preuve en est puisqu’on a remonté quand même quelques coureurs. Pendant la longue montée sur Fort Gilbert on voit un coureur fondre sur nous… je me retourne et je me dis mince y’en a qui finisse vraiment fort. !!! Il nous double mais en fait il s’agit du pacer d’un coureur qui a arrêté au Pontet et du coup il se fait la dernière section à fond … ouf il a failli me mettre un coup de masse au moral lui dis donc ! Abandonner au Pontet alors que tu t’es fait le plus dur de cette traversée ça ne doit pas être évident… il faut vraiment être à bout. En haut de la montée on double un dernier coureur qui est cramé. On enchaine une petite montagne russe avant la descente sur Aigubelle. Alors la descente n’est pas la plus jolie mais elle est roulante et en fait ce n’est pas si grave. Tu déroules un peu, tu te remémores déjà un peu la traversée. Avec Sam on se dit que c’est bon on l’a fait cette traversée. La fatigue est là mais largement dopée par le plaisir d’avoir réussi à traverser Belledonne, en bonne compagnie et avec un super moment de partage. Avec Sam on s’amuse « bon on va quand même faire cette descente à fond pour bien se finir les cuisses quand même » ! C’est vrai que la douleur musculaire est vraiment plus supportable que l’an dernier sur la fin de l’UT4M ou bien sur la diagonale des fous finie sur une jambe. C’est vraiment année après année, avec ses expériences, une meilleure connaissance de soi que finalement ont franchi des étapes sans s’en rendre compte en prenant plus de plaisir sur ces ultras défis. Aiguebelle nous tend les bras. On longe côte à côte ce dernier km comme si finalement ce n’était que celui d’une petite sortie du dimanche. On entend la sono et le speaker dans le parc. Et à l’entrée de ce parc, qu’elle bonheur de voir Khaldia, Malya et Milhan… On marque un stop avec Sam en récupérant Malya pour qu’elle vienne finir cette superbe aventure avec nous main dans la main. Un peu timide on lui dit allez vient court, et d’un seul coup elle se met à partir au sprint vers la ligne d’arrivée et nous dépose littéralement avec Sam 😀
On franchi enfin cette ligne d’arrivée qui est toujours synonyme d’émotions avec la traditionnelle cloche à faire retentir…
Voilà « Finisher » de l’Échappée Belle Intégrale 149,6 km / 11 400 D+ / 34h09 / 19ème
Une superbe aventure partagée avec Sam, dont l’aide précieuse m’a aidé pendant quasiment 90km avec en prime des souvenirs pleins la tête, une assistance du tonnerre avec maman et papa que je remercie mille fois car sans eux on en serait pas là non plus et à ma petite famille Khaldia, Malya et Milhan qui me permettent toujours d’aller chercher au plus profond de moi et qui me soutienne quotidiennement.