Diagonale des Fous millésime 2021

Grand Raid Réunion

Mafate vue des remparts

L’attente et la mise en bouche …

Depuis la Redoute en 2017, il y a toujours eu dans un coin de ma tête l’envie de revenir sur cette Diagonale des fous. Elle attire par son éloignement et captive par son exotisme. En 2017 c’était mon premier Ultra Trail XXL, finit péniblement sur une patte. Il était impossible de laisser cette note inscrite sur ce bout de chemin.

La Diagonale c’est un peu comme ce bonbon piment… qui devrait être sucré mais qui est salé, à destination des enfants mais plutôt interdit au moins de 18 ans, à t’en faire saliver mais qui en vérité te fait transpirer.

En 2020 il y a eu ce faux départ qui au final m’aura permis d’avoir une année supplémentaire pour mieux apprécier cette aventure.

Sur le papier la Diagonale des Fous c’est 160 km et 9500 D+, un ultra exigeant mais, qui sur sa cotation, ne fait pas figure d’épouvantail dans le monde de l’Ultra … et pourtant il faut s’en méfier !

Un départ tardif qui implique pour quasiment tous les participants 2 nuits dehors minimums, de passer de 30 degrés à 5 degrés puis remonter à plus de 40 dans la même journée.

Et enfin, la technicité du parcours qui ne donne aucun répit jusqu’au pont à la fin de la descente du Colorado, à 1km du stade de la Redoute. Des cailloux (rochers) péï en veux-tu en voilà, distribués par ces chers pitons parfois encore en éruption.

Pour ce millésime 2021 « la Diag » ne sera qu’une partie des vacances que l’on attend depuis 2 ans. J’en profite pour remercier et saluer l’équipe de bénévoles et salariés du Grand Raid avec leur nouveau président Pierre MAUNIER, sans qui cette édition n’aurait pas pu exister.

Pour tous ceux qui sont nostalgiques ou critiques, sachez que cette édition n’a pas été diminuée, ni en termes d’ambiance, ni au niveau du parcours. Pas de Maïdo pour sortir de Mafate mais 15 km de plus sur des sentiers bien plus techniques et cassants que la descente de Sans Souci. En bonus, la montée de Dos d’Âne fait bien son job également au bout de 120 bornes !

Arrivé sur l’île en 24h, porte à porte avec Malya et Milhan, le trajet a fait office d’un bon petit échauffement 😀 . Khaldia prendra le départ des vacances en même temps que mon départ de Saint Pierre. La famille, ponctuelle est au RDV pour la descente de l’avion. Le temps de déguster un jus de fruit pays, récupérer les présents offerts par l’IRT réunionnais et une petite interview de Réunion 1ère et nous voilà en route pour le lieu de nos vacances.

Les 5 premiers jours auront permis une bonne acclimatation avec le repérage de la fin du parcours. De Deux Bras à la Possession avec la montée de Dos d’Âne et le sentier « accidenté » de Kalla. Le Chemin des Anglais juste en bas de la maison ainsi que la fin de la montée du Colorado. Bref histoire de se rafraichir les méninges car tout le monde sait que nous avons une mémoire sélective et la mienne ne voyait plus du tout la taille et le positionnement des « cailloux » de la même manière.

Ravine Blanche Saint Pierre – 21 octobre 2021 – 21h

Passons du rêve à la réalité des choses … Après quelques bouchons quelques peu gratinés entre Rivière des Galets et Savannah, on arrive tranquillement à Saint Pierre. Cette année, avec le départ par vagues, la pression est moindre. Arriver 2 heures avant le départ de ma vague me semble large… le départ de la Diag c’est un peu comme le départ en vacances et ton avion. 3h tu attends trop, moins de 2h tu as peur de le louper… et bien là c’est pareil… et dans le doute tu préfères poireauter 😉

Comme d’habitude tout le monde cherche à s’économiser et à savoir où les grilles vont s’ouvrir pour nous emmener sur la ligne de départ ! et après un peu moins de 2h d’attente on nous fait avancer sur l’avenue. Du monde partout, une grosse ambiance… ok pas de concert, une arche qui s’écroule 5 mn avant le départ (avec un Ludovic Pommeret déjà en train de lever les bras pour la soutenir), pas de feux d’artifice, mais le principal est là…. Une atmosphère de dingue, 2 ans d’attentes et un départ imminent.

Je dois être en 4 ou 5ème ligne quand le décompte commence. L’excitation est telle que les premiers km dans Saint Pierre s’avalent à vivent allure. Un peu trop vite surement ! au bout de 5 km je vois Antoine Guillon et Cédric Chavet me doubler et là je me dis calme un peu le jeu 😀 . Ces 14 premiers kilomètres se courent tout seul sur les hauteurs de Saint Pierre. Je regarde l’allure que je trouve rapide malgré les bonnes sensations et je m’efforce à temporiser en me rappelant que les secondes gagnées au départ sont des minutes voir des heures à l’arrivée.

On arrive assez rapidement à Domaine à Vidot en 1h15 de course, et en 60ème position, soit 10mn de mieux que mon prévisionnel, basé sur Paul qui avait fait 33h en 2019 et 26mn de moins que ce que j’avais fait en 2017. Bon effectivement on est parti vite car de mémoire c’est un peu le temps que mettent les 10 premiers sur les éditions précédentes.

Ravito express où je prends de l’eau et je file en continuant à bien m’alimenter et m’hydrater. On attaque enfin un petit sentier (sentier fraise) qui nous fait prendre progressivement de l’altitude. Je dois me méfier un peu car étant grand je prends assez facilement des accrocs aux branches qui sont assez basses sur ce sentier. J’essaye de temporiser un peu car je pense que je suis parti un peu trop vite.

Une bonne heure et demi-après j’arrive à Notre Dame de la Paix où je me ravitaille en soupe de vermicelles et je repars 2,3 mn après. Pas besoin de mettre le long ici car les températures sont douces et les manchettes suffiront avec un tour de cou.

La section qui suit est montante dans les pâturages avec de grosses mottes de terre. Pas très technique mais il faut faire gaffe où l’on pose les pieds pour ne pas se faire une cheville. On attaque juste après une partie un peu plus roulante juste avant de remonter sur l’Aire du Nez de Boeuf. A ce moment je commence à sentir une douleur à l’intérieur de la cheville droite et une petite contracture au mollet…. Grrrrrr. Cette cheville je me l’étais foulée correctement en juin avec dans le mois qui suivait les 90 km du Mont Blanc et l’UT4M Challenge. J’ai bien fait les exercices de proprioception et de renforcement mais elle est reste surement fragilisée depuis cet été sachant que j’y ai additionné la préparation de la Diag sans trop la ménager. A cet instant je me dis que si elle pouvait attendre encore 1 jour ou 2 avant de me le faire payer je lui en serais vraiment reconnaissant.

J’arrive au Parking Aire de Nez de Boeuf (38,4km et 2400 D+) en 4h48 et en 44ème position. Une petite baisse de régime sur cette portion qui me confirme que j’aurai dû partir plus prudemment. On attaque la partie un peu plus fraiche qui nous emmène à Mare à Boue. Étant seul j’attends un petit groupe de coureur derrière moi car je ne me sens pas trop à l’aise sur cette légère descente. Je me suis d’ailleurs toujours dit que la nuit j’essaierai de trouver un groupe ou une personne avec un bon tempo pour m’économiser sur la lecture du terrain. Toujours plus facile à dire qu’à faire.

La partie goudronnée qui nous emmène au ravito de Mare à Boue me confirme que je ne peux pas vraiment courir comme je veux sur le plat car ça me lance dans le mollet comme une grosse contracture. Cela ne me gêne pas trop en montée ni en descente mais sur le plat ou les parties roulantes je ne peux pas aller à mon rythme. Il va falloir composer avec sur les 110 derniers km !

A Mare à Boue km 48,4 j’arrive en 6h06. J’ai perdu quelques places mais j’ai toujours 25mn d’avance sur mon prévisionnel. Je ne m’affole pas je reprends de la soupe du coca et de la Cilaos en prévision des 10 prochains km que je sais beaucoup moins roulant en nous emmenant au coteau Kervegen.

Et c’est le cas on retrouve enfin le terrain technique boueux où progresser au rythme de la frontale est toute une affaire de concentration.

Levé du soleil vers le Volcan

La majorité de cette portion je vais rester avec un concurrent car c’est quand même plus facile d’être à 2 et de s’entraider dans cette partie montante qui nous emmène sur le rempart du cirque de Cilaos. Sur cette section on double 2 concurrents dont Nicolas Rivière, 2ème de la Diag en 2019, surement pas dans un bon jour malheureusement. Le sentier du coteau Kerveguen, coupé par un bout de descente technique, nous approche sous les premières lueurs orangées face au Piton des Neiges et à la terrible descente de Mare à Joseph. En 2 km on perd 850m de dénivelé négatif le long du rempart. Efficace pour descendre directement dans le cirque ! Je me mets devant dans la descente et lâche mon acolyte des derniers kilomètres. En bas de la descente je vois une frontale arrivée en mode fusée et me doubler sans concession … un local qui se fait plaisir dans la descente. Le jour commence à se lever et une belle journée s’annonce dans les cirques !

Cilaos, première base de « vie « 

Après, une petite descente goudronnée qui me tiraille le mollet, une remontée après le passage d’une ravine, quelques flashs et une tentative de sourire, j’arrive à la base de vie (ou de zombie pour d’autres) à 6h20 du matin après 9h20 de course en 46ème position. Au détour d’une route je vois Mathieu mon neveu (pas vu depuis 4 ans) avec un grand sourire qui court en m’indiquant que la team « Super Ravitailleur » m’attend à la sortie de la base de vie. Je traverse Cilaos en me faisant interviewer en même temps…. Le moment de raconter un peu les sensations de la première nuit et mon frère et mon père m’attendent pour le petit-déjeuner 😀 . Cela fait du bien de voir des têtes connues. Un stop d’une vingtaine de minutes, un peu long mais cela me permet de me refaire une beauté et de manger mon riz au poulet car une grosse journée nous attend. Je me fais masser le mollet pour soulager un peu la contracture et je vois aussi que la cheville interne a gonflé un peu… Bon les petits bobos c’est normal même si on préfère les voir arriver le plus tard possible. Impossible de me souvenir si j’ai cogné un caillou, un rocher ou si c’est dû à l’effort ! Je vais perdre une dizaine de place à Cilaos car les autres concurrents on fait des arrêts rapides. La première féminine Sisi Cussot me double aussi pendant que je m’hydrate à l’américaine.

Hop c’est reparti pour une belle journée chaude et ensoleillée sur les sentiers du Grand Raid. Je remercie la team Super Ravitailleur que je vais recroiser au pied du Taïbit. Le pied du Taïbit comme son nom l’indique c’est le début officiel de la montée de 800D+ pour rejoindre Mafate, mais ce qu’il ne faut pas oublier c’est que juste avant on descend à cascade Bras Rouge et qu’on remonte déjà 400D+ du fond de la ravine pour rejoindre le début « officiel » de la montée du Taïbit. En 2017 j’ai failli y rester ici car il faisait terriblement chaud. Cette année je passe tôt le matin donc le coup de chaud ça sera pour plus tard 😉 . Je recharge mes flasks et reçois les encouragements de Mathieu, Nicolas et Michel que je ne reverrai plus avant la Possession.

La montée se fait bien j’essaye de bien gérer mon effort, je reviens d’ailleurs sur la 1ère féminine un peu dans le dur que j’encourage. 1h05 pour monter le Taïbit, le tempo est bon et je file sur Marla sous le regard des 3 Salazes. Le temps est superbe et les vues sur les cirques sont magnifiques. 12h24 de course pour atteindre Marla et 35 mn d’avant sur le programme malgré mes belles pauses dans Cilaos. Les sensations sont bonnes et une belle ambiance au ravito de Marla. Je prends ma soupe de vermicelles et je trouve un siège pour m’assoir un peu quand tout à coup tout s’affole. L’hélico arrive avec Bernard Montel son micro et un caméraman, les 2 premières féminines qui se font interwierver et repartent avec une pause express. Bon ben ce n’est pas le moment de s’endormir sur ses lauriers, on se bouge les fesses et je repars dans leur sillage.

On arrive à la Plaine des Tamarins et à la mi-course (en termes de kilomètres) et je gravite entre la première et la 2ème féminine avec l’hélico au-dessus ou à côté de la tête. Bon je sais très bien qu’il n’est pas pour moi, mais ça incite tout de même à pousser sur les cuissots 😀 . Cette partie est vraiment féérique et j’en profite pour faire des photos sur la montée du col des Bœufs.

Massage massalé pimenté

A la plaine des Merles je raconte mon petit bobo au mollet et tout le ravito m’invite à aller voir les kiné(e)s… J’hésite car je suis dans une bonne phase depuis Cilaos et je n’ai pas envie de faire trop de tourisme. Bon je me laisse tenter car ça tire et je me dis qu’un massage ne me fera pas de mal…. Ouch !!! je vais servir de cobaye à une école de kiné car j’entends « là tu vois c’est dur ici il faut appuyer très fort » … Tout le monde est autour de moi et allongé sur le ventre je me fais triturer le mollet… Je vais verser ici ma petite larme tellement les kinés appuient fort sur la contracture… Je leur dis d’y aller doucement mais … pas assez fort surement et j’ai même peur que « le massage » me déclenche des crampes. Après 3mn de souffrance je remercie tout le monde et je repars. Toute l’équipe me demande si ça va mieux et je réponds que là maintenant oui depuis quelques secondes 😀

Je vais passer une bonne partie du Sentier Scout avec Gaël un trailer auvergnat fraichement installé sur l’île que j’avais croisé déjà après Cilaos. Il a déjà fait 3 fois la Diag et compte mettre un peu moins de 30h … Oulà bel objectif ! Son rythme me va bien et on discute pas mal sur la portion qui nous amène au Sentier Scout pour un retour dans le cirque de Mafate. On redouble même la 1ère féminine Émilie Maroteaux qui marche. Je l’encourage en lui expliquant qu’il faut essayer de courir ici pour ne pas perdre trop de temps… Elle me mettra 40mn à l’arrivée 😀 . De temps en temps on a des fusées réunionnaises qui nous double dans les descentes. A l’amorce du Sentier Scout, je me dis que je vais commencer un peu à faire les descentes en me mettant devant et prendre mon rythme. Une bonne initiative car je lâche mon compagnon et je rattrape les fusées. Il y en a même une qui va se faire un joli roulé-boulé en essayant de me suivre. Je l’aide à se relever lui redonne ses lunettes et je continue ma descente dans le coeur de Mafate. Il commence à faire chaud dans les petits coups de cul qui nous amènent à Ilet à bourse, mais les sensations sont au top et je prends vraiment du plaisir sur les sentiers.

Le coeur de Mafate chauffe

J’arrive à Ilet à Bourse en 15h34 et à la 45ème place avec 50mn d’avance sur mon prévisionnel. Je commence à sentir autour de moi que les coureurs sont en surchauffe avec une lassitude pour certain. Je prends de l’eau et un petit jus d’orange péi pour prendre quelques vitamines mais je repars direct car le prochain ravitaillement sera plus conséquent.

Une demi-heure après j’arrive avec la banane et la patate bientôt dans la bouche à Grand Place les bas. Le jet d’eau est de sortie et je fais mon rituel soupe vermicelle, 30 cl de coca + bonus Cilaos et je recharge toutes mes flasks en prévision de la prochaine section qui s’annonce terrible. 2 gourdes de 250ml d’eau et 1 flask de 500ml moitié coca moitié eau et l’autre moitié Cilaos et moitié eau. C’est la recette depuis le début de la journée dans les cirques. Je me rince et rafraîchis les jambes mais pas la tête car dès qu’on commence il faut continuer.

Le corps en surchauffe

La prochaine section sera pour moi encore pour la moitié du pur plaisir puis la remontée aux enfers… du ravitaillement on rejoint Grand Place les Hauts 300 / 400 de D+ exposé plein soleil. Je rattrape un concurrent Charley qui s’arrête prendre un peu d’eau que lui propose un mafatais. A Grand Place les Hauts on peut apprécier la terrible descente sinusoïdale et faite de marches nous emmenant au fond de la Rivière des Galets. Un coureur avec son assistance, dans le mal, s’est arrêté en fixant cette descente. Il la fixe comme on fixe un trou d’eau avant de s’y jeter 10m plus haut. Un petit encouragement et on se lance dans les entrailles de Mafate. La descente se passe bien et je vois des coureurs qui se baignent quasiment dans la rivière. Au passage de celle-ci je trempe ma casquette car il faut reconnaitre que nous sommes redescendus bas et on doit frôler la canicule. J’attaque la montée au tempo de Roche Ancrée et je reviens petit à petit sur les concurrents devant quand tout à coup le moteur se met en surchauffe, la vue se trouble et les zig zag commencent sur la montée sinueuse vers Roche Plate. Commence alors pour moi un véritable calvaire, je n’avance plus, j’ai chaud et j’ai envie de vider d’une traite mes flasks et de m’arrêter à chaque pas… Après 40km topissime sur les sentiers voilà le gros coup dur que je n’avais pas vu venir. Sur la 2ème moitié de Roche Ancrée je vais perdre 30mn et me faire rattraper par tous ceux que je venais de doubler, histoire de me mettre un bon coup au moral. En plus le ravito a changé cette année et il faut encore monter sur le plateau cerf 15/20mn de plus … les 20 mn d’horreur, de bad trip, « qu’est-ce que je fou là », « c’est fini ces conneries », « fait trop chaud », les mains sur les hanches le regard qui ne peut pas regarder plus haut que les chaussures et en n’arrivant même plus à tourner la tête vers les bénévoles et randonneurs qui m’encouragent « chaleureusement ».

Mafate

J’arrive au ravitaillement sans arriver à me ravitailler et les bénévoles me proposent de me poser sur une civière… en voyant ma tête ils prennent ma tension, mon taux de glycémie, mon pouls et je finis sous ma couverture de survie pour une quinzaine de minutes. On m’apporte de la soupe et du coca et j’essaye péniblement de me lever. Un hélico est à l’approche pour récupérer le staff médical. Bon ben là plus le choix il faut se bouger et repartir avant que l’hélico arrive. Un peu avachi devant le stand je remplis mes flasks et je repars, sous les encouragements des bénévoles, encore un peu hagard. C’est le moment qu’on a tous une fois, où tu sais plus où tu es, tu ne sais pas où il faut repartir et malgré les indications tu pars n’importe où … « non non à gauche » … « ah oui d’accord merci » 😀

La partie qui suit est un peu plus à l’ombre et je récupère petit à petit de mon coup de chaud en grimpant direction de la Brèche. Cette année changement de parcours puisque nous redescendons vers l’Ilet aux Orangers via une descente en gros cailloux qu’un concourant m’avait vendu comme facile mais qui finalement reste technique.

Arrivée à Ilet aux Orangers, après une petite remontée, je tombe sur Cathy à qui j’avais confié un petit ravitaillement. Je lui avais dit de bien me donner tout ce que je lui avais confié au départ. Mais comme d’habitude en regardant le contenu du sachet essentiellement constitué de barres sucrés je fais une grosse moue. Je fais un signe négatif de la tête et Cathy me dit : « tu m’avais dit que je devais te forcer à prendre la nourriture même si tu voulais pas »… bon c’est vrai mais on va couper la poire en 2, je pique une compote de pomme un bout de comté et hop direction Ilet aux Lataniers.

Cette nouvelle partie nous fait rester encore une bonne quinzaine de kilomètres dans Mafate en descendant encore au fond de la Rivière des Galets où je prends l’option de déchausser pour ne pas tremper les chaussures et les pieds lors du passage dans l’eau car la nuit ne tardera pas et c’est un coup à avoir les pieds humides au moins jusqu’à la possession. Et comme à chaque fois après être allé au fond de la ravine et bien on remonte de l’autre côté 😀

Deux Bras, deux Jambes et la tête

Juste avant d’arriver à Deux Bras, il est temps de ressortir la frontale. La 2ème base de vie est immense et peu de coureurs sont présents. Les bénévoles sont en train de manger pendant que je prends de l’eau et l’odeur du rougail saucisse et la vue de la dodo commencent à me faire saliver. On rigole avec les bénévoles mais je me rabats finalement sur du riz poulet boucané accompagné de quelques lentilles. Un bon plat bien costaud en prévision de ce qui nous attend. J’essaye de ne pas trainer pour ne pas trop me refroidir car la sortie de Mafate est synonyme de la montée de Dos d’Âne (700D+). Ce que je craignais se produisit forcément avec la remontée du poulet boucané qui en 10mn n’a pas pu être digéré… forcément ! Pas terrible comme sensation mais il vaut mieux avoir le bide bien rempli. Il me faudra 1h20 pour m’extirper de Mafate. En reco tranquille et en papotant 57mn avait été nécessaire. le delta est important mais bon on à 120 km de plus dans les jambes.

Voilà maintenant pile 24h que j’ai commencé mon aventure réunionnaise, certains sont déjà à la Redoute alors qu’il me reste encore 35km !!!

Ça râle du côté de Kala et Ratineaud…

A partir de là je connais bien mais je vais avoir une grande lassitude pour rejoindre la Possession où je vais enfin retrouver ma team Super Ravitailleur. Les sentiers sont très accidentés, techniques… On s’accroche, se jette aux lianes, aux arbres, on est obligé de lever les pattes en montant, en descendant… Pour les connaisseurs avez-vous remarqué cet énorme pneu de tracteur posé au fond du sentier ? et comment a t-il bien pu arriver là ? Enfin la descente vers la Possession et bien c’est que des gros cailloux freinant péniblement la progression. Je râle tout seul et m’agace dès que je franchis un caillou un peu trop gros 😀

Après 1h45 de gros mots sur les cailloux péï me voici enfin à la Possession où je finis de râler une bonne fois pour toute aux zoreils de mon assistance de choc 😀 , parée à tous mes états d’âme.

Je fais un compte-rendu de mes péripéties des 75 derniers km pendant un massage toujours à ce satané mollet. La petite pause me fait du bien psychologiquement car ça fait 4h que je suis seul !

Après un peu plus de 138km et 26h17 de course, on va attaquer la dernière partie du parcours avec le Chemin des Anglais. Cette année comme je passe au beau milieu de la nuit je ne vais pas souffrir de la chaleur, mais c’est quand même assez fou car on sent néanmoins la chaleur emmagasinée et qui émane des pavés volcaniques.

Je vais revenir sur un coureur sur la fin de la section qui était parti en vague 2, ça sera le premier et le dernier !

J’appréhendais ce chemin menant à la Grande Chaloupe mais finalement il passe bien même si la dernière descente est vraiment chaotique.

les pavés alignés au millimètre

A la Grande Chaloupe je reprends une soupe en tête à tête avec une bénévole. Je ne sais plus vraiment ce que je lui dis, je ne sais pas vraiment si elle m’écoute mais j’ai du faire un monologue de 2, 3mn.

En repartant le frérot, mon père et ma mère m’encourage et me donne RDV à la Redoute !

Le ravito des plaintes

Je repars au tempo et je reviens sur Yoann avec qui on va parcourir la dernière partie jusqu’à la Redoute. On discute un peu et on a le même tempo. On monte direction Saint Bernard et je commence à avoir envie de dormir … Je suis à 10km de l’arrivée et je pique du nez !!!… C’est pas possible ! je m’efforce à parler à mon cerveau pour lui mentionner ce petit détail et à remettre le et la dodo dans une grosse heure.

On arrive au dernier ravito au Colorado et il nous reste plus qu’à descendre sur Saint Denis. La descente est attaquée prudemment car ça serait dommage de se faire mal si proche du but. Au milieu de la descente on entend revenir sur nous un coureur … dossard jaune … et mince une place de perdue.

J’avoue avoir lancé à l’assistance que la place ne m’intéressait pas à la Possession mais je n’ai pas non plus envie de voir passer un wagon de coureurs sur les 3 derniers kilomètres. On accélère progressivement quant tout à coup on voit 2 petites loupiotes revenir sur nous. Ça parle kréol, 2 réunionnais … ah ben mince alors !!! en plus ils descendent bien et se rapprochent.

Je lance à Yoann ça se trouve se sont des coureurs du Zembrocal ! Pas vraiment de réponse de sa part… oui comme celui qui vient de passer je me remémore…ni une ni 2 on se met à descendre à tombeau ouvert en débranchant le cerveau… On prend clairement un risque de chute en descendant comme cela mais finalement on maintien la distance avec les coureurs derrières. Je commence à galérer à suivre Yoann et je me remets même à transpirer à grosse goutte à courir aussi vite 😀

La Re.. LA RUN… LA REDOUTE LÉ LÀ !!!

On arrive à tout berzingue et on attaque la dernière portion de plat à vive allure. J’ai perdu quelques longueurs mais je fonec direction le stade car je ne veux pas prendre le risque de perdre une place à 300m de l’arrivée. Nicolas et Mathieu ont du mal à me suivre en courant à côté de moi.

A la fin de la ligne droite on traverse la route pour rentrer dans le stade de la Redoute, l’endroit de la délivrance, de la fin de cette diagonale et de cette aventure… l’émotion est forte et d’autant plus que je vois Khladia et les enfants (en pyjama 😀 ) qui sont là ! je récupère Milhan que je prends dans les bras et Malya qui court à côté de moi pour franchir la ligne d’arrivée !

Une belle arrivée en plein milieu de la nuit en mode un peu plus intimiste mais comblé par la présence de toute ma famille, l’essentiel en somme !

Après 1 ou 2 minutes à pas vraiment, ni réaliser, ni savoir où me tourner, je récupère mon maillot « j’ai survécu » ma médaille et je profite des sourires de tous mes proches !

Quelle aventure ! Traverser cette île et ses 162km, 9500 de D+ en 30h36 à la 36ème place, il faut avouer que c’est bien mieux que ce que j’espérais. Je pensais mettre au moins 2h de plus ! J’ai mis 11h de moins qu’en 2017 😀 …

« J’ai survécu« 

Un grand merci à tous ceux qui m’ont envoyé leurs encouragements et qui m’ont suivi sur la traversée de cette Diagonale des Fous millésime 2021. Vous étiez nombreux et cela m’a touché et impressionné…vraiment !

Une pensée spéciale à tous mes proches sur place qui font totalement partie de l’aventure ! Meeerrrrrcccciiiii

Et vous savez ce qu’on dit … jamais 2 sans 3, mais bon pas pour tout de suite, on va profiter maintenant 😀